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“Le monde occidental est sous l’égide d’une vision détachée de toute intuition”

Montpelliéraine, mère de deux enfants et habitante d’une tiny house, Lise Gallois est facilitatrice et médiatrice : elle accompagne les personnes, les couples et les groupes à nourrir des relations vivantes avec eux-mêmes et les autres. Passionnée depuis plusieurs années par la CNV et les outils d’intelligence collective, elle nous éclaire dans cette interview sur notre rapport au temps, aux cycles et à la nature. Interview. 

Quels outils d’intelligence collective affectionnez-vous particulièrement ?

Lise Gallois. J’adore le cercle, c’est pour moi la forme géométrique de la communication humaine ouverte ! Je considère que l’humain est circulaire par nature. Depuis 2000 ans, le fonctionnement de notre société occidentale se veut très rationnel, structuré, linéaire et vertical. Passé, présent et futur se suivent dans nos esprits selon le principe d’un temps linéaire mais cette vision est une idée mentale relativement arbitraire. En effet, d’autres civilisations ont une vision cyclique du temps, par analogie avec, par exemple, les saisons, le jour et la nuit, etc. Le cercle est en résonance avec cette conception du monde et de la nature, c’est un outil puissant et bousculant. Les représentations linéaires ou cycliques ont des répercussions au quotidien et dans la vie professionnelle. Placés en rangées, les gens se retrouvent en face de l’autorité, il y a ceux qui parlent et ceux qui écoutent. Dans un cercle, il n’y a que des gens qui se voient tous, et chacun compte au même titre que les autres. Un pouvoir « avec ». J’apprécie aussi le Forum Ouvert, une approche d’animation de groupe qui permet la réalisation de réunions créatives et stimulantes. Dans un Forum Ouvert, les participants créent et gèrent eux-mêmes un ordre du jour pour répondre à une problématique stratégique en peu de temps. C’est un format qui permet de faire émerger de l’enthousiasme. Bien sûr, il faut que l’équipe dirigeante soutienne ce type de rencontres et soit impliquée.

Vous proposez un accompagnement qui contribue à redéployer les parts « féminines » nécessaires aux parts « masculines ». Bien que nous soyons dans une société qui proclame l’égalité homme-femme, notre société me semble encore marquée par “l’emprise du genre” : quelle est votre position à ce sujet ?

LG. Plutôt que de parler d’égalité, je préfère parler d’équité. Que faisons-nous aujourd’hui pour écouter les besoins et aspirations de chacun ? Les physiologies énergétiques des hommes et des femmes sont différentes et ne s’entretiennent pas de la même façon. Le monde occidental est sous l’égide d’une vision très linéaire, très partielle, détachée de toute intuition, de l’écoute des rythmes de chacun… L’organisation a tout à gagner à revitaliser des parts féminines dans le fonctionnement individuel et collectif, pour que les temps d’action soient soutenus par des temps d’écoute. D’une façon générale, les valeurs qui régissent notre société et nos comportements individuels, femmes comme hommes, sont plutôt « masculines » : performance, rapidité, compétition,ce qui se voit et s’entend, … Il me semble nécessaire de trouver un équilibre entre les parts « masculines » et « féminines ». J’entends par féminité, tout ce qui relève de l’observation, ce qui n’est pas visible, palpable. L’intuition, l’empathie, les forces de vie à l’œuvre entre les humains… Comment s’y prendre ? Individuellement, pour honorer ces deux parts, j’invite mes clients à s’observer, à prendre le temps de ressentir et d’identifier leurs besoins. Au niveau collectif, tous les outils que j’utilise vont soutenir cette revitalisation. Dans un groupe, rien que de se mettre en cercle ou de fonctionner en forum ouvert va permettre de réintégrer des parts « féminines ».

Sur quelles approches basez-vous votre accompagnement  ?

LG. La communication non violente en tant qu’art de vivre m’accompagne partout. Il ne s’agit pas de formuler des gentilles phrases toutes plates, mais de se relier aux ressources puissantes que sont nos besoins, dans toute situation, pour nous guider vers ce qui est juste pour nous et juste pour prendre soin de la connexion à l’autre. Cela fonctionne individuellement et collectivement. Cela permet aux personnes et aux groupes de se rencontrer vraiment sur un plan fécond (celui des besoins profonds), là où rester sur le plan des solutions sans jamais voir quels besoins sont sous-jacents peut être épuisant et source de tensions (chacun peut vouloir avoir raison), cela permet de créer ensemble. Je suis également particulièrement sensible à l’écopsychologie, née de la rencontre entre l’écologie et la psychologie. Au cours de son évolution l’être humain s’est peu à peu distancié de la nature au point de perdre la capacité à la ressentir. L’écopsychologie nous incite à repenser notre mode d’être au monde, à nous reconnecter au Vivant. Cette approche met l’accent sur l’empathie directe avec le milieu et estime que l’écologie et la psychologie ont besoin l’une de l’autre. Dans mon travail, je m’appuie aussi sur des outils inspirés de la méthode des constellations systémiques. Il s’agit d’une méthode préconisée pour faciliter la prise de décision et la résolution de problèmes en entreprise et dont la particularité est de privilégier les savoirs implicites (ressentis ou savoirs d’expérience) pour se faire une représentation claire de la situation problématique. Cette approche s’avère complémentaire des approches de management classiques qui s’appuient sur l’utilisation de savoirs plus factuels (chiffres, raisonnements, etc.). Les collaborateurs vont ainsi chacun jouer un rôle physiquement et représenter dans l’espace une composante du système en question : un service, une fonction, un partenaire ou un client de l’entreprise.  Finalement, mon approche en tant que facilitatrice s’appuie sur un triple lien : lien à soi, lien aux autres et lien à la nature.

Quels sont les livres qui vous ont le plus touchée, marquée dans vos réflexions sur le bien-être, la conscience de soi, la connexion avec ses besoins profonds ?

LG. Les livres de Pierre Rabhi sans aucun doute, notamment “la sobriété heureuse” et “Eloge du génie créateur de la société civile”. En CNV, j’ai beaucoup aimé le livre de  Thomas D’Ansembourg “cessez d’être gentil, soyez vrai”. Pour ce qui touche plus à la psychanalyse, les livres d’Alice Miller et d’Isabelle Filliozat me semblent incontournables. Enfin, j’ai aimé “Le processus de la présence” de Michael Brown, qui est une sorte de mode d’emploi du « pouvoir de l’instant présent » proposé par Eckart Tolle, qui invite à reprendre la responsabilité de notre expérience de vie, et “votre santé en lieu sûr” d’Alain de Luzan. J’aimerais aussi conseiller 3 films qui m’ont particulièrement inspirée : Etre et Devenir” de Clara Bellar, “En Quête de Sens” de Marc de la Ménardière et Nathanaël Coste et, enfin, “L’Autre connexion” de Cécile Faulhaber. 


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