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« L’éducation en France est principalement axée sur les compétences cognitives »

Maman de 4 enfants et passionnée par l’éducation, Isabelle Giraldo est facilitatrice en transformation intérieure et Instructrice Mindfulness. Sa mission ? Proposer des cycles et formations de pleine conscience à l’école et participer ainsi à la transition vers un monde plus juste, bienveillant, au service de la vie sur terre. Interview.

Comment décririez-vous la pleine conscience et que permet-elle ? 

Isabelle Giraldo. Aussi appelée «mindfulness», la pleine conscience n’est pas vraiment quelque chose de « nouveau ». Il s’agit d’une capacité humaine fondamentale, dont nous pouvons tous faire l’expérience… Et à laquelle chacun d’entre nous goûte de temps à autre au fil de la vie. C’est aussi pour moi la possibilité de se permettre une pause dans un monde où tout va de plus en plus vite et pour les enfants leur offrir un espace d’accueil, d’écoute et d’acceptation.

La définition donnée par Jon Kabat-Zinn, professeur de médecine émérite à l’université du Massachusetts, est celle d’un «état de conscience» résultant du fait de porter intentionnellement son attention sur l’expérience telle qu’elle se déroule, moment après moment, sans jugement. Elle invite à écouter son corps, à s’ancrer dans la respiration et ainsi nous aider à mieux gérer nos émotions.

Le programme le plus connu est le MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction), un programme qui s’étend sur huit semaines et qui invite à exercer sa capacité à sortir de ses automatismes corporels, cognitifs et émotionnels et à être davantage présent à sa propre vie. Cet entraînement va alors nous aider à gérer des problèmes tel que le stress, l’anxiété, les rumination mentales, l’impulsivité, etc.

La bienveillance est aussi une dimension essentielle dans la pratique de la pleine conscience : nous sommes en effet invités à une attitude d’ouverture, d’amitié et de générosité envers notre propre expérience (nos sensations, nos émotions, nos pensées…) et ce particulièrement dans les moments difficiles. Cette bienveillance est aussi étendue aux autres et à notre relation avec le monde. C’est la raison pour laquelle, au sein du travail que nous menons, nous aimons parler de « pleine conscience bienveillante ».

Pourquoi faire vivre l’expérience de la pleine conscience aux élèves à l’école ? Comment procédez-vous ?

IG. Si les apports de la pleine conscience ont été établis de manière assez solide pour la population adulte, il n’y a pas encore d’évidence empirique généralisée concernant l’efficacité des interventions basées sur la pleine conscience chez les enfants et les adolescents. Des recherches préliminaires suggèrent néanmoins que les programmes de pleine conscience pour les enfants sont bénéfiques à de nombreux points de vue. Ils ont principalement le potentiel d’améliorer deux facteurs: l’attention et la gestion des émotions.

Un enfant qui arrive en stress à l’école n’est physiologiquement pas en mesure de se concentrer et d’apprendre. Dans une situation potentiellement anxiogène, nos organes sensoriels envoient des impulsions nerveuses à l’amygdale qui décide de quelle réaction adopter : combattre, fuir ou faire le mort.  L’amygdale prend donc le contrôle dès que nous nous sentons en danger et nous conduit à des réactions impulsives.

La pleine conscience en ancrant les enfants dans l’instant présent par la respiration et le corps, va les aider à sortir de cette impulsivité et adopter des réponses plus réfléchies. Elle leur permet ainsi d’améliorer la gestion de leurs émotions, les différentes formes de stress liées aux situations d’apprentissage et leur attention. Elle permet aussi de retrouver des temps calmes en classe et améliore les compétences pro-sociales des élèves.

La pleine conscience est une pratique méditative, elle ne propose pas des outils clés en main et doit se vivre comme une expérience à part entière pour être efficace. Avec l’association “Graines d’Emergences”, le pôle éducation de l’association Emergences, nous proposons un cycle sur huit semaines, avec une intervention hebdomadaire de 40 minutes. Au cours de nos séances, nous invitons les étudiants à porter leur attention sur le moment présent et sans jugement. Cette notion de non-jugement est importante car la plupart des élèves sont  conditionnés à “vouloir bien faire” et sont dans une recherche permanente du résultat. L’éducation est principalement axée sur les compétences cognitives, résultat, certains enfants sont très déconnectés de leurs corps. Revenir au corps fait baisser le stress. La pleine conscience invite à nommer l’émotion qui surgit physiquement en nous. Le simple fait de nommer l’émotion désactive l’amygdale. En situation de stress, il ne faut pas donc lutter contre l’émotion mais l’écouter, en prendre soin. Bien sûr, il est important que les enseignants soient convaincus par la démarche et en fassent eux-mêmes l’expérience. 

Sur votre site, vous rapprochez la transformation intérieure de la transition sociale et écologique. Pourriez-vous m’en dire plus à ce sujet ?

IG. Je considère que la psychologie et l’écologie sont intimement liés. Aujourd’hui, nos enfants font face à ce qu’on appelle un déficit de nature. Nos sociétés sont complètement déconnectées avec le monde naturel et cette déconnexion commence à un âge de plus en plus précoce. Dans d’autres cultures, le bonheur et la préservation de l’environnement sont une priorité. Par exemple, dans les années 70, le roi du Bouthan Jigme Singye Wangchuck se rend compte que ce n’est pas le développement économique qui apporte de la joie aux peuples. Il instaure alors une nouvelle priorité : améliorer le Bonheur National Brut (BNB) du pays. Le BNB devient un indicateur très sérieux qui repose sur plusieurs critères : le niveau de vie, le bien-être psychologique, la santé, l’utilisation du temps, l’éducation, la diversité culturelle, la bonne gouvernance, la vitalité de la communauté et la diversité écologique.

Quels sont les livres qui vous ont le plus touchée, marquée en matière de développement personnel ? Y a t-il des auteurs que vous affectionnez particulièrement ?

IIG. Un de mes livres incontournables est “où tu vas tu es” de  Jon Kabat-Zinn. Et pour la pleine conscience avec les enfants: “un coeur tranquille et sage” de Susan Kaiser Greenland.

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