Femme d’intuition, passionnée par les voyages, l’histoire et la culture, Hesna est intervenante auprès de chefs d’entreprise et l’auteure des livres “le paradoxe du poisson rouge” et “les bâtisseurs du futur”. En 3 questions, Hesna nous invite à réfléchir au développement impersonnel et au bonheur. Interview en pleine conscience.
Comment le bonheur se manifeste t-il dans notre culture occidentale ?
Hesna Cailliau. Dans la culture occidentale, depuis les philosophes des lumières, la raison a été mise sur un pied d’estale, au détriment de l’intuition. Trop de rationalisme conduit au désenchantement du monde. Il est important de garder cette faculté de s’étonner et de s’enthousiasmer. Dès que l’on commence à analyser, on ne ressent plus rien, on tombe dans le jugement. Pour tous les sages de l’humanité, l’intuition est notre troisième oeil, notre intelligence supérieure. Son origine est mystérieuse, les neurosciences n’ont jamais pu démontrer l’hypothèse qu’elle viendrait du cerveau, mais seulement constater qu’elle éclaire le cerveau quand elle jaillit. Pour retrouver le bonheur, il faut retrouver ses sens, s’ouvrir au monde sensible “Avec l’intuition nous inventons, avec la raison nous démontrons”, disait Henri Poincaré, “Dès que nous commençons à raisonner, nous coupons le processus de l’intuition”
Comment pouvons-nous renouer avec l’intuition ?
HC. Il faut retrouver suffisamment de calme pour permettre à l’intuition de jaillir. “Éteignez tout et le monde s’allume” dit Sylvain Tesson. Cela peut passer par une prise de distance avec les écrans pour se voir physiquement, échanger, prendre le temps de se regarder. Dans une conversation, tous nos sens sont en éveil et l’intuition transite par nos sens. Il importe aussi de s’accorder tous les jours des temps de respiration pour retrouver l’inspiration et nos aspirations profondes : 3 mots qui partagent la même racine “spir”, qui a donné en latin “spiritus” le souffle. Sans ce souffle, on s’essouffle . D’où l’importance de la méditation qui permet de calmer son mental, toujours plus ou moins agité. En transcendant l’égo, nous pouvons alors toucher cette part divine, impersonnelle qui est en nous, source de créativité infinie et qui nous relie aux autres et à la nature. La méditation n’a donc rien à voir avec l’arsenal des techniques de développement personnel qui fleurissent de nos jours et qui risquent à la longue de renforcer l’ego.
Le bonheur se trouve aussi quand nous nous sentons compris, écouté, dans l’instant. Le bonheur, c’est donc la bonne heure, ici et maintenant. Le chemin est plus important que le but, il se trace en marchant et en prenant son temps. C’est en retrouvant la joie de l’instant présent, en étant en résonance avec les autres, en développant une ouverture d’esprit et du coeur que nous pouvons aspirer au bonheur.
L’intuition est une énergie plutôt féminine. Comment pouvons-nous l’incarner pleinement ?
HC. En effet, le féminin correspond à l’intuition, le masculin à la raison. Malheureusement, dans notre culture cartésienne, le masculin l’emporte sur le féminin. C’est l’inverse dans la culture chinoise. Pour la sagesse Taoïste, c’est par le féminin que l’homme peut obtenir le salut : le Tao Te King le dit bien “Connais en toi le masculin (yang) mais adhère au féminin (yin)”. Je pense que la libération de la femme en Occident, c’est la libération du masculin de la femme. Aujourd’hui, il faudrait privilégier la conjonction “et” qui relie les contraires plutôt que le “ou/ou” qui les oppose, trouver un juste équilibre entre les deux et le laisser rayonner dans l’entreprise.